Les observations qui suivent sont rédigées dans le cadre de ma formation à l’IFFP (Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle).
Suite à mon analyse de la communication dans une scène de la série Chernobyl, voici une autre séquence, choisie par Christian Zanardi, du film «Aliens» (James Cameron, 1986).
Voici comment Christian introduit la séquence:
Dans cette séquence du film Aliens, l’équipe du vaisseau vient juste de se réveiller d’un voyage dans l’espace pour aller sur une planète avec une colonie dont le contact a été interrompu et avec une possible menace extraterrestre. (…) À ce stade du film, le lieutenant Gorman en charge de l’expédition et qu’on apprendra plus tard est un novice de ce type d’opérations, va faire un briefing sur l’opération qu’ils sont sur le point de mener sur la planète en dessous.
La séquence:
Mon analyse de cette scène
Il est intéressant d’observer que les participants à ce meeting ont des objectifs tout à fait différents.
Je dirais que l’objectif du lieutenant n’est pas de donner une information, mais de tenir le protocole et de démontrer son professionnalisme. On apprendra plus tard dans le film qu’il est très inexpérimenté, c’est sa première mission “hors simulation”. Quelques indices:
- Il utilise délibérément un terme savant (“xénomorphe”), pour se donner un air d’expert. Ce terme n’est pas adapté à son public, et il ne donne aucune autre précision qui pourrait être utile dans cette opération militaire (taille, mode de déplacement, type d’attaque, comment neutraliser…).
- Après le témoignage de Ripley, qui est aussi très pauvre en éléments pratiques, le lieutenant n’ajoute aucune précision. On pourrait s’attendre qu’à ce moment là il briefe les soldats sur la tactique, les armes à utiliser… mais il coupe le discours de Ripley avec ces mots (1:43): “Merci Ripley, on a le rapport enregistré, jetez-y un oeil”. Il répète cela après la seconde intervention de Ripley… clairement, il n’est pas à l’aise avec la façon dont Ripley s’exprime. Peut être sent-il que la situation va lui échapper. Vu l’attitude des soldats, il est très peu probable qu’ils consulteront cet enregistrement. J’en déduis que son objectif est de suivre le protocole, plutôt que d’assurer qu’ils assimilent ces informations vitales pour la mission. On peut penser qu’il veut interrompre la réunion au plus vite, avant de perdre la face à cause de son manque de leadership.
- Il conclut la réunion en proclamant son objectif personnel: “je veux que cette mission se passe en douceur et dans les règles de l’art”. Puis il ajoute: “I want DCS and tactical database assimilation by 0830” … on comprend qu’il se raccroche désespérément à la procédure technique.
La communication de Ripley est également peu efficace, pour d’autres raisons: elle produit un récit tellement subjectif qu’il en devient difficile à suivre. Elle décrit l’Alien de manière très imprécise: “une sorte de parasite enveloppant le visage” (0:55)… “une sorte d’embryon”. Elle ajoute des détails sans utilité (“Kane avait l’air en forme… on était en train de manger”). Visiblement le souvenir est trop traumatisant pour qu’elle puisse le traduire en mots. Elle arrive néanmoins à communiquer la dangerosité, ce qui est déjà quelque chose. L’information importante passe par son ton et son regard, auquel répondent les regards des militaires, qui deviennent plus sombres (1:55).
On peut cependant se demander ce que les soldats auront retenu de cet échange.